• Enquête introuvable, où le faux roman

    "Acceptez-vous d'être le premier détective qui va enquêter sur quelque chose qu'il ne sait pas à l'avance ?

    -Pardon ?"

    Le Rouge et le vert ; Jean-Bernard Pouy

    Rouge&noir

     Ce récit est un drôle de faux polar où les témoins se racontent avec force détails, où les assassins ne se trouvent que dans les pages des journaux et où le détective doit trouver lui même le mystère à éclaircir ! Un peu absurde, et c'est pourtant ce qui va être proposé à Averell, dont le seul outil de travail était jusque là son odorat hors du commun. Pourtant, s'il arrive à débusquer les odeurs chimiques de celles, véritables, de citronniers d'Italie, il n'arrive pourtant pas à flairer la bonne piste : tout lui passe sous le nez, pour ainsi dire, car Adrien, (de son vrai nom) s'il est amateur de roman noir est aussi à contre courant de la figure classique du détective. On peut oublier l'imperméable et la loupe, même s'il garde la bouteille à la main. Allant même parfois jusqu'à l'absurde (comme le fait Alain Robbe-Grillet dans "les Gommes" *tout est dans le titre*) Jean-Bernard Pouy reprend au roman noir américain son pessimisme, et ses critiques sur les "dysfonctionnement du monde" (dixit le sociologue directeur de thèse au CNRS à l'origine de cette fameuse enquête introuvable). Sauf que dans ce faux roman policer l'auteur n'a que faire de se "méfier des interprétations et donc des hypertextes". D'où de sacrées digressions sur la saleté des rues de Naples (toujours au nom de la critique sociale). Cependant, sa sensibilité d'Averrel ne le mène pas toujours aussi loin, car à force de se confronter aux misères et aux drames du monde, on n'en ressort pas indemne. D'observateur naïf Averell va devenir cynique, limite pas concerné par ce qu'il voit, même lorsqu'il sauve sa voisine des poings de son mari : "J'avais tout à coup un nouveau sujet d'enquête. Dès que le temps serait un peu passé, [...] je pourrais lui demander comment on en arrive là. Mais je risquais d'être déçu. Peut être tout simplement le couple chômage/alcool". Paf. 

    Les anecdotes futiles s'ajoutent aux critiques risibles, et tout ça donne un curieux mélange, bien plus sérieux qu'on ne le pense. Alors même qu'il s'agisse d'un roman noir et qu'il soit daltonien, Averell fait nos yeux et notre nez en nous faisant ressentir ce qu'il y a de plus jouissif à profiter des couleurs, des odeurs, bref de tout ce qui met nos sens en éveil. Beau pied de nez ! La description des milles et une nuances de bleu par lesquelles passe la nuit est simplement magique. Et finalement on se surprend à tourner frénétiquement les pages, à lire ce livre comme un vrai roman policier, tant on a hâte de découvrir quel va être le mystère à élucider...

    En ne se prenant pas le moins du monde au sérieux, et en faisant passer son message avec un humour qui fait parfois mal, l'auteur nous offre t-il un récit vraiment si à contre-courant de ce qu'est le roman noir ? 

     
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    [Pour ceux qui veulent  tout prix hurler de rire et ceux dès maintenant ! Qui pestent contre tout et rien, ils trouveront un véritable second degré salvateur]

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