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    C'est une histoire sur combien le père de Marthe pèse sur sa vie,
     
    à elle, son frère et sa mère, combien les coups venus de ses
     
    poings les étouffent. On comprend comment s'utilise 
     
    les mots pour faire du mal. 
     

    sauflesfleurs

     La seule force de Marthe tient à sa mère et à son frère, qui essaient de se créer du bonheur, quand le père n'est pas là, qu'il s'occupe des bêtes qui subirront à leur tour son courroux. Il n'y a en lui que l'expression de la violence : il arrive brutalement, ne les appelle pas pas leur prénom, comme lorsque l'on veut signifier à quelqu'un qu'il n'est rien, il boit pour les oublier, ment et frappe. Leur bonheur se manifeste par son absence, et quand il revient, la peur se rappelle à eux. La ferme connaît alors d'horribles silences qui font craindre l'orage. Un orage qui surgit violemment, qui hurle en bourrasque sur eux, il ne les aime pas, il leur veut du mal. 
    Leur mots à eux s'effacent face à lui, qui s'impose. "se jette sur le verbe, phrases courtes sans adjectifs, sans compléments, seulement des ordres et des martinets". Il les réduit au silence. La langue de Marthe est courte aussi, mais poétique, infiniment plus profonde. 
    Son espoir à elle c'est de retrouver des dictées, des odeurs de craies, des appels des maîtresses, des livres sur les étagères qui lui feront la "courte Eschyle", et puis le lien avec le petit frère, tout son amour communicatif. La sœur et le frère se protège, c'est une (bulle) d'amour à l'intérieur d'un massacre. Car le père empêche tout espoir de germer
    Marthe a envie d'aider sa mère, elle veut lui faire plaisir, avec des fleurs, en préparant le repas, en se glissant entre elle et les poings de son père. Elle ne ressent pas de haine envers celle qui l'a portée, car elle comprend qu'elles subissent autant l'une que l'autre ; elle lui vole alors les coups qui lui sont destinés. Marthe trouvera plus tard avec Florent la tendresse des caresses qui s'opposent aux frappes, qui cicatriseront son corps. "Dans la chambre apprivoisée, ses mains me trouvent après m'avoir cherché caresses". Il lui raconte qu'une autre  histoire est possible, ses mains disent autre chose que la souffrance et la crainte.  
    Ce livre est aussi profondément heurtant qu'il peut se révéler beau et plein d'espoir. La ferme n'est pas pour Marthe que l'amerture et la crainte de la violence, elle est aussi le lieu de l'enfance où elle puise de la force pour recouvrir son malheur et ses racines de surcouches protectrices, faite du sparadrap des mots et de la bienveillance de Florent. Elle s'est hissée sur le sol qui l'a porté, elle parvient à partir loin, à s'offrir "le rêve pour laquelle elle est née". Et même si son histoire se répercute sur elle, comme un torrent de grêle ou un soleil trop violent qui vient déchiqueter la terre, elle porte en elle la beauté de toutes les fleurs au monde. 
     
     
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    [Pour ceux qui ne savent pas quoi faire du souvenir d'un proche, qui culpabilise à l'idée de s'offrir une seconde chance loin de relations toxiques]
     
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    Dans ce livre, Valérie Zenatti entretient un drôle de rapport à la vérité : elle ne cesse d'en faire l'éloge et de mettre en situation des émotions intenses, qui mettent à nu la sincérité, mais fait pour autant l'aveu de son besoin de mensonges pour vivre en paix...

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    "Mensonges" de Valérie Zenatti, édition de l'Olivier

    Zenatti est juive, et même après la guerre, les stigmates sont encore là, parce que les copains de classe disent des horreurs comme "qu'est-ce qu'ils en ont mis aux juifs !". Alors elle regarde la série Holocauste pour comprendre son histoire. En mentant à sa mère pour y parvenir... Où qu'elle aille son identité ne doit pas être révélée, là d'où ses parents viennent on se faisait exterminer, là où elle grandit les origines maghrébines de ses grands-parents sont purement une honte... Après avoir vécus en France, ses parents se réfugient ailleurs, sur leurs terres d'origines. Alors dans l'Israël où elle passe son adolescence, auprès de ses nouvelles amies russes, elle ne montre jamais sa grand-mère, qui s'entête à porter le foulard et parler arabe. A côté de ça, elle ressent le besoin viscéral de noter tout ce qui lui arrive. Elle écrit dans la frénésie, et ses mots sont là pour retenir le temps présent, l'empêcher de totalement disparaitre, comme un vestige qui s'écroulerait, ou une histoire qu'on oublierait. Mais ses mots sonnent creux, ils ne disent rien sur elle, se bornent juste aux faits. Exprimer son ressenti est très difficile quand on trafique sans cesse son identité, qu'on étouffe ses émotions, qu'on sent qu'ils ne peuvent pas sortir à cause du poids des non-dits. Difficile d'avouer qu'on aime allumer les bougies du Shabbah, faire la prière sur le pain et le vin, quand il n'est pas bon d'être juive même après la guerre. D'où les premiers mensonges qu'elle raconte à ses amies. 

    Pour parler de vérité, la dernière partie de son livre, le conte, bien que totalement fictif, est peut être celui qui permet le plus à l'auteur de se dévoiler. Les deux enfants qu'elle envoient dans la forêt, essayant d'échapper aux loups et de s'entraîder mutuellement, m'ont fait penser à sa relation avec l'auteur Aharon Appelfed, dont il est question dans le livre. Car Valérie Zenatti est la traductrice de ses romans. Cette dernière parti du livre, autour de la pure fiction, nous rendent l'auteur plus proche, parce que jusqu'alors elle n'avait cessé de se cacher derrière les mots. Cette parti là du conte détonne avec le début du roman, où Zenatti écrit être Aharon, parle à la première personne du singulier, et raconte son histoire à lui. On apprend qu'il a été déporté dans un camp, avant de s'enfuir et de perdre à chaque étape de son périple un de ses parents. En prétendant être un autre il devient facile d'oublier sa propre histoire, surtout si on la considère comme honteuse.

    Pour tout le reste du roman, elle raconte des moments forts de sa vie, au ressenti intense, qui l'ont constitués. Ce roman est pour moi un perpétuel mélange de chaud et de froid entre le mensonge et la vérité. Elle parle honnêtement de ses mensonges, et ce passage, si paradoxal avec le reste du roman, l'éclaire pourtant : "L'écriture permet comme la prière d'être en contact avec ce qu'il y a de plus profond en nous." Les mensonges révèle qui elle est, ses angoisses et son histoire cachée.

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    [Pour ceux qui ont eu ou ont encore honte de leurs origines,  qui connaisent la peur que l'on remarque leurs différences, qui ne veulent pas oublier d'où ils viennent, qui voudraient se glisser dans une autre peau, ou enfin pour ceux qui pensent que les mensonges ne les rattraperont pas]


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  • Que tente Maître Calame au beau milieu des rues endormis et menaçantes alors qu'il devient la nouvelle proie du tueur en série qui frappe dans la ville de Bourg-Preux ?

     

    - Il s'arrête brusquement dans une ruelle et crie tout en faisant des mouvements à la Kung Fu panda pour l'impressionner ;

    - Il sort un sac de sa robe d'apparat et crie qu'à l'intérieur se trouve des petits lapins sur lesquels le tueur pourra exercer ses pulsions meurtrières ;

    - Il se faufile dans un tonneau de vin vide et puant en attendant que le meurtrier passe pour lui bondir dessus ! ;

    -Il lui promet de l'absoudre de ses péchés s'il se rend gentiment aux gardes de la ville,

    - Il lit le recueil de nouvelles "Janua Vera" pour savoir ce qui lui arrivera !

    (chronique disponible dans la section "roman") ! 

    Monkf
    ( Crédit : photo du site Mad Moo)

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    En vivant dans le jardin public, un jeune homme en comprend ses lois et son renouvellement, printemps comme automne, car il ne reste jamais le même très
    longtemps. Un jardin bouleversé par les lois de la nature, qui bataille pour retrouver
    sa liberté sauvage, comme avant l'arrivée des hommes. 
     

    Le Jardin Clos, de Régine Detambel

     
    Le Jardin Clos ; Régine Detambel
     
    Le narrateur joue son rôle auprès de chaque chose qui constitue le jardin : il apporte des mulots aux chats sauvages, fait perdurer des fleurs qui sans lui resteraient à l'état de bulbes, fabrique des insectes en brins d'herbes pour les enfants, enlève la poussière du coins des statuts de bronze... 
     
    Ce livre est une longue description écrite au présent, de ses moments de faiblesses, d'étrange accalmies quand tombe le soir, et surtout de sa beauté de tous les instants, même quand il révèle ses irrégularités et ses défauts, même quand au moment de le tondre, "ses boucles tombent sur le sol comme les maîtresses d'Allemands", car ceux qui sont chargés de s'occuper du jardin arrachent coupent incinérent, répriment et labourent jusqu'à ce que le jardin s'en retrouve mutilé. Derrière lui le mur retient toute la végétation qui rampe et tente de s'évader, elle qui l'attaque sans raison particulière, à grands coups de terre et de vent, d'animaux qui la déplace, parce que le mur est une délimitation et qu'elle n'a de cesse de vouloir s'étendre.
     
    Le jeune homme est le gardien du jardin, de cette nature malmenée par le rythme des saisons et les mains des hommes. Sa plus grande force est de se mettre au diapason de ces changements, de vivre ou de subir comme lui. Il est attentif aux bancs, aux cris des taupes qui se poursuivent, aux passages des gens, à ce qu'ils disent d'eux sans le savoir, qu'ils passent ou qu'ils s'attardent. Il remarque la confusion des cliquetis, des chaînes et des roues de vélos, de l'invasion de tout ce qui est métallique et provoque du brouaha, dans un endroit par essence à l'abri du tumulte d'une ville. 
     
    Le jeune homme devient spectateur du monde extérieur, chaque élément naturel lui rappelant ce qu'il a connu autrefois, sans jamais réussir à le lui faire regretter. Pas même les beaux rideaux de sa fenêtre, le peigne qu'il pouvait glisser dans ses cheveux, les chemises propres qu'il choisissait chaque matin. Car ceux qui lui ont appris la Survie, quand il ne savait pas où aller, sont là pour lui. Sandrine, Patrick, ils savent comment récupérer des bouts de bois pour les transformer en marionnette, trouver dans une poubelle ce qu'ils pourront utiliser comme nourriture, et même réparer une carie avec des clous de girofles. Avec eux, la détresse se fait belle.
     
    Il vit enraciné dans ce jardin depuis qu'une idée à éclot en lui. Il ne plus partir maintenant, il se l'interdit, c'est sa pénitence. Il n'ira jamais plus loin que les têtes de lions qui gardent le portail. Car ce n'est plus dans le dehors, agressif et menaçant, qu'est sa place. Il est comme retenu par un sort qui l'empêche de s'échapper de sa prison végétale qu'il a appris à aimer et à admirer. Il ne voudrait pour rien au monde quitter sa terre. Car si au dehors la propreté, la chaleur existe, les apparences et la lâcheté aussi. 
     
    Les autres, ceux qui viennent avec leur vélo, en poussette,  qui arrachent les fleurs et jettent les mégots à terre deviennent une menace face à l'oeuvre fragile qu'il façonne jour après jour, ici même dans le jardin. Une construction qu'il érige en l'honneur d'une défaite et d'une fuite, d'un souvenir durable. Il reste un Homme, que le jardin à humanisé un peu plus, en le confrontrant à ses forces et ses faiblesses.
    C'est un beau roman rempli de métaphores, qui donnent envie de gratter la terre pour voir ce qu'il y a en dessous. 
     
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    [Pour ceux qui veulent se vouer à quelque chose de plus grand qu'eux, qui se repentissent d'une lâcheté commise, car ce livre montre que l'on peut créer quelque chose de beau par la suite,
    Ou qui auraient envie de regarder leur jardin public, ses petites bêtes et ses passants d'un autre oeil]
     
     

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  • Probablement grâce au festival des "Imaginales" qui a lieu au mois de mai à Epinal, il m'ait venu l'envie de me plonger dans des livres qui font partir très loin, loin dans l'imaginaire, à une distance assez grande de la réalité : l'équivalent d'un trajet Terre-contrée de la Voie Lactée. Le genre de livre qui même si l'on est cloisonné entre quatre murs glauques et renfermés sur eux-mêmes, fait qu'on peut se dire que l'on est entouré de guerriers, qui doivent éviter des balles chercheuses de têtes par exemple ! Je suis donc partie à la recherche de ces mondes qui laissent le lecteur s'immerger dans des lieux aussi inexistants qu'extraordinaires, où se côtoient le surnaturel et les traditions. Ils sont forcément surprenants. Deux auteurs, bien différents venu de ces autres contrées livresques nous emmènent dans des mondes fabuleux, à la rencontre du changement. Présentation de deux recueils de nouvelles.
     
      
    atalante512-2010
     
     Pierre Bordage : Des mondes futurs qui pourraient exister
     
    Ces nouvelles mettent en scène des mondes issus d'une technologie nouvelle qui bouleverse jusqu'à l'inconscient humain, et tout ce qui fait un homme avec ses faiblesses et ses zones d'ombres : ici les gardiens de la Rénovation ont crées de nouvelles cellules à implanter dans les esprits, qui empêchent toute part "animale" de s'exprimer, rendant les désirs d'enfants, les manques affectifs et les besoins inexistants. Ce sont des personnages qui évoluent presque toujours dans un système à combattre, contre des dirigeants peu scrupuleux ou corrompus. Si ce livre permet de se poser des questions sur le monde qui nous entoure, et de remettre en cause certains changements, en revanche l'écriture n'est pas la priorité... Si beaucoup d'histoires sont présentes, c'est aussi parce qu'elles sont très courtes, et l'Univers crée ne se dévoile alors qu'en très peu de temps... Ce qui parfois le rend parfois très improbable, pour le coup. Ce sentiment de monde factice, bien que très imagé, m'a fait plus d'une fois sortir de ma lecture.  J'ai plutôt eu l'impression d'être face à une personne qui me raconterait l'histoire oralement, sans prendre le temps de poser le récit. Je l'ai plus feuilleté que je ne l'ai lu, mais pour ceux qui voudraient juste se laisser distraire, alors il peut convenir. 
     
     
     
    53108
      Janua Vera : Des mondes chevaleresques qui auraient pu exister
     
    Pour connaître un monde imaginaire, rien de mieux que de se glisser dans l'esprit des habitants qui le font vivre et qui se battent, pour l'honneur et le vice, l'argent ou la survie. Dans "Janua Vera", on retrouve des personnages très différents les uns des autres.
    Pourtant chacun est touché par la guerre : en la fuyant, la déclarant, en y jetant ses armées ou en se faisant rattraper par elle. 
    Et chacun connaît les risques, qu'il s'agisse de guerrier qui mettent leur épée à la disposition de nobles, de combattant qui luttent pour récupérer des territoires, ou de Roi qui veulent échapper à des prophéties... Le héros se bat toujours au péril de sa vie, mais qui est le plus hostile, la vénalité de l'Homme ou la brutalité de terres ancestrales ? Chacun à tout moment le choix sur la destinée qu'il veut prendre. La guerre laisse des tourments et des désirs de vengeance, ou elle est un moyen d'affirmer son pouvoir, elle est de toute façon l'objet de la volonté de puissance des hommes. A tous ceux qui se demandent pourquoi des conflits de grandes ampleurs éclatent partout dans le monde et touchent hommes et femmes, ce livre est mieux qu'un manuel d'histoire. Il est les multiples vécus dans une grande histoire. On a beau dire que l'imaginaire n'est pas la vie, il concerne bien plus le réel qu'il n'y paraît. Les consciences des hommes y trassparaissent sans laisser de mystère.  
    Le monde imaginaire qu'à crée l'auteur n'a pour désir que de nous laisser s'évader, mais cependant nous en apprend aussi sur la cruauté du monde. Rien que le genre du recueil s'y prête : il faut savoir dire au revoir aux personnages pour en découvrir d'autres ! Et peut être aussi de ravir nos sens, car l'écriture est ici un délice de sons et de mots, avec des personnages forts évoluant dans des décors richement décrits, faits de forêts ténébreuses révélant milles abîmes ou des palais aussi radieux qu'orgueilleux. 
     
    Alors de quoi voulez-vous rêver .
     
     

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