• "Mensonges" et aveux de Valérie Zenatti

     
    Dans ce livre, Valérie Zenatti entretient un drôle de rapport à la vérité : elle ne cesse d'en faire l'éloge et de mettre en situation des émotions intenses, qui mettent à nu la sincérité, mais fait pour autant l'aveu de son besoin de mensonges pour vivre en paix...

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    "Mensonges" de Valérie Zenatti, édition de l'Olivier

    Zenatti est juive, et même après la guerre, les stigmates sont encore là, parce que les copains de classe disent des horreurs comme "qu'est-ce qu'ils en ont mis aux juifs !". Alors elle regarde la série Holocauste pour comprendre son histoire. En mentant à sa mère pour y parvenir... Où qu'elle aille son identité ne doit pas être révélée, là d'où ses parents viennent on se faisait exterminer, là où elle grandit les origines maghrébines de ses grands-parents sont purement une honte... Après avoir vécus en France, ses parents se réfugient ailleurs, sur leurs terres d'origines. Alors dans l'Israël où elle passe son adolescence, auprès de ses nouvelles amies russes, elle ne montre jamais sa grand-mère, qui s'entête à porter le foulard et parler arabe. A côté de ça, elle ressent le besoin viscéral de noter tout ce qui lui arrive. Elle écrit dans la frénésie, et ses mots sont là pour retenir le temps présent, l'empêcher de totalement disparaitre, comme un vestige qui s'écroulerait, ou une histoire qu'on oublierait. Mais ses mots sonnent creux, ils ne disent rien sur elle, se bornent juste aux faits. Exprimer son ressenti est très difficile quand on trafique sans cesse son identité, qu'on étouffe ses émotions, qu'on sent qu'ils ne peuvent pas sortir à cause du poids des non-dits. Difficile d'avouer qu'on aime allumer les bougies du Shabbah, faire la prière sur le pain et le vin, quand il n'est pas bon d'être juive même après la guerre. D'où les premiers mensonges qu'elle raconte à ses amies. 

    Pour parler de vérité, la dernière partie de son livre, le conte, bien que totalement fictif, est peut être celui qui permet le plus à l'auteur de se dévoiler. Les deux enfants qu'elle envoient dans la forêt, essayant d'échapper aux loups et de s'entraîder mutuellement, m'ont fait penser à sa relation avec l'auteur Aharon Appelfed, dont il est question dans le livre. Car Valérie Zenatti est la traductrice de ses romans. Cette dernière parti du livre, autour de la pure fiction, nous rendent l'auteur plus proche, parce que jusqu'alors elle n'avait cessé de se cacher derrière les mots. Cette parti là du conte détonne avec le début du roman, où Zenatti écrit être Aharon, parle à la première personne du singulier, et raconte son histoire à lui. On apprend qu'il a été déporté dans un camp, avant de s'enfuir et de perdre à chaque étape de son périple un de ses parents. En prétendant être un autre il devient facile d'oublier sa propre histoire, surtout si on la considère comme honteuse.

    Pour tout le reste du roman, elle raconte des moments forts de sa vie, au ressenti intense, qui l'ont constitués. Ce roman est pour moi un perpétuel mélange de chaud et de froid entre le mensonge et la vérité. Elle parle honnêtement de ses mensonges, et ce passage, si paradoxal avec le reste du roman, l'éclaire pourtant : "L'écriture permet comme la prière d'être en contact avec ce qu'il y a de plus profond en nous." Les mensonges révèle qui elle est, ses angoisses et son histoire cachée.

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    [Pour ceux qui ont eu ou ont encore honte de leurs origines,  qui connaisent la peur que l'on remarque leurs différences, qui ne veulent pas oublier d'où ils viennent, qui voudraient se glisser dans une autre peau, ou enfin pour ceux qui pensent que les mensonges ne les rattraperont pas]


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