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    En vivant dans le jardin public, un jeune homme en comprend ses lois et son renouvellement, printemps comme automne, car il ne reste jamais le même très
    longtemps. Un jardin bouleversé par les lois de la nature, qui bataille pour retrouver
    sa liberté sauvage, comme avant l'arrivée des hommes. 
     

    Le Jardin Clos, de Régine Detambel

     
    Le Jardin Clos ; Régine Detambel
     
    Le narrateur joue son rôle auprès de chaque chose qui constitue le jardin : il apporte des mulots aux chats sauvages, fait perdurer des fleurs qui sans lui resteraient à l'état de bulbes, fabrique des insectes en brins d'herbes pour les enfants, enlève la poussière du coins des statuts de bronze... 
     
    Ce livre est une longue description écrite au présent, de ses moments de faiblesses, d'étrange accalmies quand tombe le soir, et surtout de sa beauté de tous les instants, même quand il révèle ses irrégularités et ses défauts, même quand au moment de le tondre, "ses boucles tombent sur le sol comme les maîtresses d'Allemands", car ceux qui sont chargés de s'occuper du jardin arrachent coupent incinérent, répriment et labourent jusqu'à ce que le jardin s'en retrouve mutilé. Derrière lui le mur retient toute la végétation qui rampe et tente de s'évader, elle qui l'attaque sans raison particulière, à grands coups de terre et de vent, d'animaux qui la déplace, parce que le mur est une délimitation et qu'elle n'a de cesse de vouloir s'étendre.
     
    Le jeune homme est le gardien du jardin, de cette nature malmenée par le rythme des saisons et les mains des hommes. Sa plus grande force est de se mettre au diapason de ces changements, de vivre ou de subir comme lui. Il est attentif aux bancs, aux cris des taupes qui se poursuivent, aux passages des gens, à ce qu'ils disent d'eux sans le savoir, qu'ils passent ou qu'ils s'attardent. Il remarque la confusion des cliquetis, des chaînes et des roues de vélos, de l'invasion de tout ce qui est métallique et provoque du brouaha, dans un endroit par essence à l'abri du tumulte d'une ville. 
     
    Le jeune homme devient spectateur du monde extérieur, chaque élément naturel lui rappelant ce qu'il a connu autrefois, sans jamais réussir à le lui faire regretter. Pas même les beaux rideaux de sa fenêtre, le peigne qu'il pouvait glisser dans ses cheveux, les chemises propres qu'il choisissait chaque matin. Car ceux qui lui ont appris la Survie, quand il ne savait pas où aller, sont là pour lui. Sandrine, Patrick, ils savent comment récupérer des bouts de bois pour les transformer en marionnette, trouver dans une poubelle ce qu'ils pourront utiliser comme nourriture, et même réparer une carie avec des clous de girofles. Avec eux, la détresse se fait belle.
     
    Il vit enraciné dans ce jardin depuis qu'une idée à éclot en lui. Il ne plus partir maintenant, il se l'interdit, c'est sa pénitence. Il n'ira jamais plus loin que les têtes de lions qui gardent le portail. Car ce n'est plus dans le dehors, agressif et menaçant, qu'est sa place. Il est comme retenu par un sort qui l'empêche de s'échapper de sa prison végétale qu'il a appris à aimer et à admirer. Il ne voudrait pour rien au monde quitter sa terre. Car si au dehors la propreté, la chaleur existe, les apparences et la lâcheté aussi. 
     
    Les autres, ceux qui viennent avec leur vélo, en poussette,  qui arrachent les fleurs et jettent les mégots à terre deviennent une menace face à l'oeuvre fragile qu'il façonne jour après jour, ici même dans le jardin. Une construction qu'il érige en l'honneur d'une défaite et d'une fuite, d'un souvenir durable. Il reste un Homme, que le jardin à humanisé un peu plus, en le confrontrant à ses forces et ses faiblesses.
    C'est un beau roman rempli de métaphores, qui donnent envie de gratter la terre pour voir ce qu'il y a en dessous. 
     
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    [Pour ceux qui veulent se vouer à quelque chose de plus grand qu'eux, qui se repentissent d'une lâcheté commise, car ce livre montre que l'on peut créer quelque chose de beau par la suite,
    Ou qui auraient envie de regarder leur jardin public, ses petites bêtes et ses passants d'un autre oeil]
     
     

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  • Probablement grâce au festival des "Imaginales" qui a lieu au mois de mai à Epinal, il m'ait venu l'envie de me plonger dans des livres qui font partir très loin, loin dans l'imaginaire, à une distance assez grande de la réalité : l'équivalent d'un trajet Terre-contrée de la Voie Lactée. Le genre de livre qui même si l'on est cloisonné entre quatre murs glauques et renfermés sur eux-mêmes, fait qu'on peut se dire que l'on est entouré de guerriers, qui doivent éviter des balles chercheuses de têtes par exemple ! Je suis donc partie à la recherche de ces mondes qui laissent le lecteur s'immerger dans des lieux aussi inexistants qu'extraordinaires, où se côtoient le surnaturel et les traditions. Ils sont forcément surprenants. Deux auteurs, bien différents venu de ces autres contrées livresques nous emmènent dans des mondes fabuleux, à la rencontre du changement. Présentation de deux recueils de nouvelles.
     
      
    atalante512-2010
     
     Pierre Bordage : Des mondes futurs qui pourraient exister
     
    Ces nouvelles mettent en scène des mondes issus d'une technologie nouvelle qui bouleverse jusqu'à l'inconscient humain, et tout ce qui fait un homme avec ses faiblesses et ses zones d'ombres : ici les gardiens de la Rénovation ont crées de nouvelles cellules à implanter dans les esprits, qui empêchent toute part "animale" de s'exprimer, rendant les désirs d'enfants, les manques affectifs et les besoins inexistants. Ce sont des personnages qui évoluent presque toujours dans un système à combattre, contre des dirigeants peu scrupuleux ou corrompus. Si ce livre permet de se poser des questions sur le monde qui nous entoure, et de remettre en cause certains changements, en revanche l'écriture n'est pas la priorité... Si beaucoup d'histoires sont présentes, c'est aussi parce qu'elles sont très courtes, et l'Univers crée ne se dévoile alors qu'en très peu de temps... Ce qui parfois le rend parfois très improbable, pour le coup. Ce sentiment de monde factice, bien que très imagé, m'a fait plus d'une fois sortir de ma lecture.  J'ai plutôt eu l'impression d'être face à une personne qui me raconterait l'histoire oralement, sans prendre le temps de poser le récit. Je l'ai plus feuilleté que je ne l'ai lu, mais pour ceux qui voudraient juste se laisser distraire, alors il peut convenir. 
     
     
     
    53108
      Janua Vera : Des mondes chevaleresques qui auraient pu exister
     
    Pour connaître un monde imaginaire, rien de mieux que de se glisser dans l'esprit des habitants qui le font vivre et qui se battent, pour l'honneur et le vice, l'argent ou la survie. Dans "Janua Vera", on retrouve des personnages très différents les uns des autres.
    Pourtant chacun est touché par la guerre : en la fuyant, la déclarant, en y jetant ses armées ou en se faisant rattraper par elle. 
    Et chacun connaît les risques, qu'il s'agisse de guerrier qui mettent leur épée à la disposition de nobles, de combattant qui luttent pour récupérer des territoires, ou de Roi qui veulent échapper à des prophéties... Le héros se bat toujours au péril de sa vie, mais qui est le plus hostile, la vénalité de l'Homme ou la brutalité de terres ancestrales ? Chacun à tout moment le choix sur la destinée qu'il veut prendre. La guerre laisse des tourments et des désirs de vengeance, ou elle est un moyen d'affirmer son pouvoir, elle est de toute façon l'objet de la volonté de puissance des hommes. A tous ceux qui se demandent pourquoi des conflits de grandes ampleurs éclatent partout dans le monde et touchent hommes et femmes, ce livre est mieux qu'un manuel d'histoire. Il est les multiples vécus dans une grande histoire. On a beau dire que l'imaginaire n'est pas la vie, il concerne bien plus le réel qu'il n'y paraît. Les consciences des hommes y trassparaissent sans laisser de mystère.  
    Le monde imaginaire qu'à crée l'auteur n'a pour désir que de nous laisser s'évader, mais cependant nous en apprend aussi sur la cruauté du monde. Rien que le genre du recueil s'y prête : il faut savoir dire au revoir aux personnages pour en découvrir d'autres ! Et peut être aussi de ravir nos sens, car l'écriture est ici un délice de sons et de mots, avec des personnages forts évoluant dans des décors richement décrits, faits de forêts ténébreuses révélant milles abîmes ou des palais aussi radieux qu'orgueilleux. 
     
    Alors de quoi voulez-vous rêver .
     
     

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    De l'écrit à la parole, les mots se délocalisent pour atterir sur les ondes de Radio Campus Lorraine. Pour m'y entendre, brancher la radio sur le 99.6 fm à Nancy et 106.1 fm à Metz. 

    Et voilà l'enregistrement est disponible. Merci encore à l'équipe de l'émission pour ce moment, c'était une expérience très amusante et enrichissante ! (je donne même le lien alors que je n'ai pas réussi à avoir le courage d'écouter l'enregistrement... X__X) Donc ne soyez pas trop critique si vous l'écoutez ! :)


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  • Douleur de la fin nuitée

    finalversion

    Pointe de lumière réduite à cette immensité

    Quoique dans l'ombre

    Invariablement le reflet s'effondre 

     

    De plus en plus oubliés

    Existe t-il une façon de faire naître les souvenirs

    Puisqu'on ne les a pas vu passer

    C'est à présent leur tour de revenir

    Ils en reviendront métamorphosés

     

    Les faire revivre une seconde fois

    C'est assister à l'enlevement du Temps

    Puisque ce Roi ci n'a pas de loi


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    Pourquoi lire ? On vous donne de plus en plus de raison de le faire. Pendant que des études s'intéressent aux effets du livre sur le lecteur et que l'auteur Régine Detambel sort le superbe "Les livres prennent soin de nous", les journaux, totalement à contre courant, assimilent le livre à un objet servile, en parlant de lui comme d'une méthode qui fera passer toute nos angoisses à  coups de pages. Pourquoi les livres devraient-ils se destiner à un rôle de psychologue ? Et au fond, ne peuvent-ils pas être aimé pour eux-même ?
     
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    A Londres, on prescrit déjà des livres comme on sortirait de chez le médecin avec une ordonnance. Bon ce concept n'est peut être pas si courant que ça, mais n'empêche qu'il commence à se développer aussi en France. ça s'appelle le "bibliocoatching", un concept qui a vraiment un nom fumeux dont le but est de faire débourser 39€ par séance à ceux qui veulent apprendre à mieux vivre. Vous pourrez assister à des cours qui vous apprendront à "vivre en paix avec votre famille" ou à "harmoniser votre vie pro et perso". Enjoy.
     
    Hheureusement la bibliothérapie propose que chacun travaille de manière individuelle autour des livres. 
    Chez nous, c'est l'auteur Régine Detambel ("Son corps extrême", "Opéra Sérieux" ) qui fait la promotion de ce qu'elle appelle une "bibliothéraphie créative", à travers "Les livres prennent soin de nous", éditions Actes Sud. Il s'agit de puiser dans les textes les émotions les plus vrais, les plus proches de nous, qui nous permettraient de mettre des mots sur notre ressenti, et de soulager nos peines. Sentir que toutes nos émotions sont profondément universelles, pour "trouver ce qu'il y a de plus humain en nous".
     
    Même s'il y a un but thérapeutique, il n'est pas question de proposer des livres de développement personnel. Invitée de France Inter dans l'émission "L'Heure des rêveurs", Detambel y explique comment Goethe c'est guéri d'un chagrin d'amour, après qu'un ami lui est lu en boucle un passage déchirant de... son propre livre ! évoquant une rupture douloureuse. L'histoire d'Hommes guéris après la lecture d'un livre n'est pas un mythe. Pour peu que l'on arrive à trouver chez Proust, Céline ou Sarraute, tous ses auteurs qui deviennent des compagnons de route, les passages qui nous confèreront force, vitalité, protection, joie et compréhension -au choix-. 
     
    Autre précepte de Detambel, le lecteur doit se montrer actif dans la création de sa liste de lecture, contrairement au "bibliocoaching" pratiqué surtout en Angleterre, à base de manuel de développement personnel remis après deux consultations facturé à 400€. 
    Joubert n'aurait peut être pas été d'accord, lui qui pronaît l'idée d'une lecture "totalement désintéressé, gratuite", pour mieux se "perdre de vue", lire un livre pour ce qu'il a a nous offrir. Mais intéresser des personnes à cette activité passe peut être par leur prouver que les livres peuvent être proches de leurs envies ou de leurs préocupations, sans ôter la découverte et l'imprévu auquel il nous confronte, car on ne peut jamais y trouver que ce que l'on cherche.
    Cependant s'en servir comme d'un médicament est l'un des pires sorts qu'on puisse lui réserver.
     
    Le nouveau livre "Remèdes littéraires" paru aux éditions Lattès est en soi très étrange. Sur la couverture on y voit des antitodes contenant le nom d'un auteur, faisant ainsi office de principe actif. Ce livre se lit comme un dictionnaire : à chaque mot, "abandon", "vieillir", "suicide", "obésité", "absence de grossesse"... un livre à lire pour se guérir ! C'est un peu vite expédié, et réducteur aussi de penser que le même livre conviendra à chaque personne pour un problème donné. Convaincre les gens des bienfaits des livres est important, mais les standardiser ou les vendre comme des produits est très dangereux. Si un livre est comme un médicament, alors il faut faire attention à ses effets sur notre métabolisme... ou conseiller des livres en fonction des souhaits d'une personne. 
     
    Présentation de son livre sur son site internet : ici + mot de couleur rose = lien

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